Je m'éloigne encore de chez moi, quittant le Puy en Velay en bus puis en train pour me diriger vers Aubusson, fief de la tapisserie et royaume de la laine. Arrivée en fin d'après-midi, j'ai le temps de faire un petit tour de la ville.... et pour continuer avec les escaliers, je monte par un charmant petit chemin
jusqu'à la tour de l'horloge :
d'où j'ai une vue sur la ville :
en attendant d'autres découvertes le lendemain...
Ma première visite à Aubusson fut bien sûr pour la Musée de la tapisserie. Situé au bord de la Creuse, le musée retrace le développement de la production de tapis et tapisseries dans la région. Une explication de la fabrication d'une tapisserie, depuis le dessin du carton jusqu'au tissage (ce que je verrai plus en détails par la suite) :
et surtout une exposition de magnifiques pièces
en particulier un salon sur le thème des contes de fées..
le chaperon rouge et le chat botté sur des fauteuils
Barbe-Bleue sur un canapé :
et ce mignon petit fauteuil rose qui m'a bien plu... il irait bien dans mon atelier...
J'ai passé quatre jours à Aubusson, et j'ai voulu en profiter au maximum, car c'est quand même bien loin de chez moi... Comme c'était les Journées nationales de la Laine, il y avait pas mal de portes ouvertes et visites organisées, une occasion exceptionnelle. C'était amusant car on rencontrait les mêmes personnes d'une visite à l'autre...
Ma troisième visite a donc été pour la Manufature Four, principale manufacture d'Aubusson, héritière de cinq siècles de tradition tapissière. Nous avons pu visiter toute la manufacture, et suivre tout le chemin depuis l'arrivée de la laine jusqu'à la tapisserie finie. Première étape : l'arrivée de la laine vierge en écheveaux directement de la filature, et nous admirons le travail du teinturier chargée de la teindre en reproduisant parfaitement fidèlement une teinte à l'oeil, en utilisant uniquement les trois couleurs primaires (bleu, rouge et jaune). Si on lui fournit un échantillon de laine, il doit la retrouver exactement.
Il prépare un bain à 100°C dans lequel seront plongés les échevaux, puis séchés.
Etape suivante : les échevaux sont embobinés sur d'énormes bobines et entreposées. Les lissiers arrivent avec leur chapelet (constitué des échantillons de couleurs dont ils ont besoin pour leur ouvrage), et ils préparent leurs flûtes:
Ma deuxième visite à Aubusson fut celle de l'Atelier Musée des cartons de tapisserie, occupant ces trois jolies maisons sur le pont, l'ancien octroi :
Pour exécuter leur tapisserie les lissiers (on ne dit pas des tapissiers, mais des lissiers) utilisent des modèles reproduits à l'envers qu'ils placent sous leur ouvrage. La tapisserie est éxécuté sur l'envers, le lissier ne la voit côté endroit que lorsqu'elle est finie et retirée du métier.
Ces modèles, dits "cartons" sont exécutés par des artistes spécialisés. Après exécution de la tapisserie ces cartons furent détruits ou oubliés dans des greniers. Ces cartons, longtemps oubliés dans des greniers. Ils en ressortent aujourd'hui, sont restaurés et réutilisés. Le Musée, créé grâce à l'initiative de bénévoles, principalement de Chantal Chirac, restauratrice de tableaux, présente les techniques de fabrication de la tapisserie, de la fabrication des cartons, ainsi qu'une collection unique de modèles anciens et leur restauration pour les transformer en oeuvres d'arts sous forme de tableaux.
Ici un carton pour exécuter un fauteuil qui restauré finira en tableau :
(je m'excuse pour la mauvaise qualité des photos prises avec mon téléphone)
Au sous-sol une exposition de tapisseries créées d'après les oeuvres d'Antonia Bory, une artiste de la région aujourd'hui âgée de 95 ans.
Nous sommes toujours à la manufacture Four à Aubusson. Après avoir vu l'arrivée des laines vierges et leur teinture, puis la préparation des flûtes (navettes), nous sommes allés dans les ateliers voir les lissiers (lissières) au travail. Tous très gentiment nous laissaient les regarder travailler, répondaient aux questions, montraient des techniques. une majorité de femmes:
ici un monsieur :
Chacun son ouvrage, le carton en noir et blanc (quelquefois en couleur aussi), motif inversé, glissé sous la trame pour suivre les motifs, le modèle à l'endroit à côté comme référence. Et contrairement au tissage où on fait des allers et retours en reproduisant des motifs géométriques et répétitifs, avec la tapisserie on travaille par zones de couleurs. Difficile à expliquer, mais pour ceux que ça intéresse il y a ici une vidéo où l'on voit les lissiers d'Aubusson au travail. Losque la tapisserie est terminée, c'est la tombée de métier, on coupe les fils de chaque côté, et c'est là qu'on peut enfin voir la tapisserie à l'endroit... mais ce n'est pas fini, direction l'atelier de couture pour les finitions. Car avec ce travail par zones il y a par endroit des trous entre les zones de différentes couleurs, c'est le travail de la couturière de coudre tous ces petits trous.. un travail de titan ça aussi...
puis un ourlet de chaque côté... Il faut compter plusieurs mois de travail pour chaque tapisserie...
Vraiment très instructive la visite de la manufacture Four à Aubusson..
Ils ne font pas que des tapisseries. mais aussi des tapis.. et là les techniques sont différentes. Alors que les tapisseries sont tissées sur des métiers horizontaux (dits de basse-lisse), les tapis sont noués sur des métiers verticaux (dits de haute-lisse). Il y a les tapis traditionnels, dits "tapis de savonnerie" car la première manufacture fut installée sous les ordres de Louis XIII dans une ancienne savonnerie. Ils sont réalisés entièrement à la main au point noué.
Vous pouvez allez admirer quelques tapis exceptionnels (par leur taille) réalisés à la manufacture ...ici
Et puis la modernité arrive avec les tapis "tuftés". Le motif est reproduit sur un canevas épais, et on introduit les brins à l'aide d'un pistolet, ce qui permet de remplir rapidement des surfaces :
Nous avons eu droit à une démonstration :
en fait les brins ne sont pas noués, mais juste insérés dans les trous du canevas, donc il faut ensuite les fixer en les encollant sur l'envers. Et sur l'endroit on finit le travail àla tondeuse pour égaliser les brins.
Ce fut vraiment une visite passionnante, et en plus les visiteurs ont été reçus de manière charmante... Encore une précision, ils confectionnent aussi les tapisseries à faire soi-même, comme celle que j'avais faite... ici
Si je me suis rendue à Aubusson pendant cette période, c'est pour profiter des Journées nationales de la Laine organisées à Felletin, tout près d'Aubusson. Felletin revendique le titre de berceau de la tapisserie. C'est sûr que la région regroupe tous les métiers autour de la tapisserie, filatures, teinturiers, manufactures, ateliers, peintres... Là aussi des visites étaient organisées par l'Office du Tourisme. On a commencé par une autre manufacture, la manufacture Pinton. Là ils ne voulaient pas qu'on prenne de photos, mais de toutes façons c'est tout à fait la même chose qu'à la manufacture Four et je vous ai déjà tout expliqué.
Et puis à la sortie on passe par le magasin des laines
où l'on pouvait acheter des laines en vrac pour le prix de 10 euros le kilo de laine, 30 euros le kilo de soie... et des échevaux avec toutes les couleurs disponibles (plus de 900 couleurs...). je ne vous dis pas la fièvre acheteuse que cela a provoqué chez les visiteuses...
C'était aussi la panique chez les employées de la manufacture, car c'était la première fois qu'elles organisaient ça...Moi je suis restée sage, car je voyageais en train et j'avais déjà pas mal de bagages... et j'avais déjà fait des achats au début de mes vacances..J'ai juste acheté 3 échevaux de 100g de trois gris différents, soit 300g de laine pour 3 euros !!!
C'est grâce à la qualité des eaux de la Creuse que les filatures se sont installées dans la région.
Et la visite suivante fut pour la filature Terrade, l'une des dernières filatures artisanales encore en activité :
là nous suivons toutes les étapes du filage de la laine, depuis l'arrivée de la laine tondue sur les moutons, jusqu'aux échevaux. C'est tout d'abord une toute vieille machine qui transforme les paquets de laine en une sorte de tapis, c'est sous cette forme qu'on peut l'utiliser pour le feutrage.
puis la laine passe sur des rouleaux garnis d'aiguilles qui va la transformer en fil :
mais ce fil est trop fin et cassant, il faut en associer deux que l'on va enrouler sur des bobines :
puis une autre machine va les mettre sous forme d'échevaux :
qui pourront être teints :
Comme nous l'avons déjà vu, le teinturier est capable de reproduire n'importe quelle teinte à l'oeil, simplement à partir des trois couleurs primaires. C'est vraiment impressionnant... Encore une visite fort intéressante.
(voir le programme des visites ..ici)
Un deuxième atelier auquel je m'étais inscrite aux journées de la Laine, c'est une initiation à la broderie sarrasine. Je ne savais pas du tout ce que c'était, mais j'ai été attirée par le nom. En effet il faut que je vous dise que Sarrazine était mon tout premier pseudo quand j'ai commencé à venir sur le net. Pourquoi ce nom ? parce qu'à l'époque j'avais une boutique dans une petit ville du nom de La Sarraz, alors cela m'a inspirée... Bref qu'est ce que cette broderie sarrasine ? Il semblerait que la broderie au point d'Aubusson qui date du XIIème siècle serait l'héritage des sarrasins. Le point d'Aubusson était notamment utilisé pour la réparation des tapisseries usées et servait aussi à réaliser des broderies avec la même laine que les tapisseries. Cette technique fut enseignée à l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs d'Aubusson de 1885 à 1907. L'une des élèves créa un atelier de broderie pour enseigner ce point, qu'elle adapta en lui donnant du relief et lui donna le nom de broderie sarrasine. Son adaptation permettait d'utiliser ce point pour orner de la lingerie, du linge de maison, de la haute couture ou de l'ameublement. Quelques réalisations exposées :
Une association de sauvegarde de la broderie sarrasine a été créée en 1996 pour la transmission, la promotion et la valorisation de ce savoir-faire qui fait partie du patrimoine aubussonnais. Il y avait donc un atelier pour découvrir cette technique.
On devait broder la feuille de châtaigner, symbole de la région Limousin. Voilà mon ouvrage :
C'est comme un point lancé, maintenu par des petites barrettes (je trouve que ça ressemble un peu à la broderie de Bayeux). Ca permet de remplir des surfaces assez rapidement, ça peut être utile... C'était en tout cas intéressant à découvrir
pour arriver au bout de six heures de travail à ça :
ça n'en a pas l'air, mais il faut comprendre que la tapisserie d'Aubusson se tisse par zones de couleur, donc je fais du jaune jusqu'à la pointe du papillon, et je monte un peu de chaque côté, puis je remplis avec le bleu clair, je reprends un peu de jaune, puis je fais la zone bleu foncé, etc...